Canonisation de Giuseppa Vannini : les Camilliennes sont nées au Cénacle

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A l'occasion de la canonisation de Giuseppa Vannini, le 13 octobre 2019 à Rome, nous republions un article publié, en juin 1967, dans la revue Au Cénacle auquel, nous ajoutons des illustrations.

Charisme du Cénacle, dirait-on, que d'être, a différents degrés, le berceau d'œuvres nouvelles... ; parce que c’est du Cénacle de Jérusalem que partirent les Apôtres et les premiers Disciples, illuminés et fortifiés par l’Esprit Saint, pour travailler à l'extension du Règne...

L’histoire de Giuditta Vannini, trouvant précisément au Cénacle de Rome (via della Stamperia) la lumière sur une vocation longtemps et douloureusement cherchés, est caractéristique.

A gauche, en violet, emplacement, à l'époque, du Cénacle de Rome, à côté de la Fontaine de Trevi. A droite, entrée de la maison décorée pour une fête au début du XXe siècle.

Nous sommes en décembre 1891. Nos Mères ont organisé une retraite pour dames et jeunes filles de langue française. Le prédicateur venant à manquer, est remplacé au dernier moment par le R.P. Tezza, de l'Ordre de St-Camille, Ministre des Infirmes, confrère du P. Ferrini, confesseur de la Communauté – deux religieux également éminents.

Jusqu’ici, rien que de très commun dans la vie courante du Cénacle... Mais voyons les « sentiers » de la Providence... Quelques jours auparavant, Monsieur Mondini, Lazariste, consignait à l'une de ses filles spirituelles, Mlle Vannini – 31 ans – une invitation à cette même retraite. « Tenez, voici le billet que je reçois à l'instant de la Supérieure des Dames du Cénacle. Il y aura une retraite ces jours-ci ; profitez-en. Nous nous reverrons et déciderons quelque chose à mon retour... »

Père Gioacchino Ferrini. Il avait été Supérieur général de l'ordre (1884-1889)

Giuditta Vannini en décembre 1891

Qui donc était Giuditta Vannini ? – Une orpheline de milieu commerçant aisé, née à Rome le 7 juillet 1859, puis confiée à l'une de ses tantes. Quand l’atteignit son double malheur, elle avait seulement 7 ans. Séparée de sa sœur ainée et de son frère cadet, elle fut mise à l'Orphelinat des Filles de la Charité et y fit son éducation. Elle aurait, paraît-il, senti l`appel à la donation totale le jour de sa première Communion. Elle avait alors 13 ans.

C’était une âme délicate que le Seigneur conduisait par la Voie royale de la Croix. Douce et réservée, souffrant de forts maux de tête qui n'altéraient pas son égalité d'humeur, elle supportait en silence les taquineries malveillantes et prolongées d'une compagne étourdie.

A 24 ans, trois ans après la sortie de l'Orphelinat, Guiditta sollicita son admission chez les Sœurs de St-Vincent-de-Paul, y resta sept ans et fut il deux reprises renvoyée dans le monde, pour raisons rnal définies, qu'explique seul un dessein arrêté d'En-Haut.

Afin d’échapper aux sollicitations terrestres dont son frère, en toute honnêteté chrétienne d’ailleurs, se faisait le champion, elle prit pension chez les Religieuses Sacramentines. Mais celles-ci, conscientes du trésor acquis, insistèrent pour que Mlle Vannini entrât chez elles. Coupant court aux instances, Giuditta obtint une situation à Portici, dans un établissement des Filles de la Charité, avec lesquelles elle restait en bons termes.

Là encore, l'étrange fatalité la poursuivit ; elle dut rompre assez brusquement devant une certaine persécution féminine qui menaçait la paix de la maison, et rentra définitivement chez sa tante, affligée, déroutée, mais toujours certaine de l'appel de Dieu.

Père Luigi Tezza (1841-1923) à l'âge de 40 ans environ

C’est alors que l'atteignit l'invitation à la retraite bénévolement assumée par le P. Tezza.

Qui était lui-même ce Révérend Père ? Le Procureur des Camilliens que, dix mois auparavant, son Chapitre général avait chargé de reconstituer le Tiers-Ordre Régulier des Sœurs, jadis florissant en Italie et en France, mais que les temps avaient dispersé ou réduit à des branches inexorablement diocésaines. Lille qui possédait les Pères, offrait une maison par l’intermédiaire de Mesdemoiselles Legrand, mais le Père Tezza, comme Procureur, ne pouvait s'éloigner de Rome. C’est donc là que, depuis des mois, il cherchait en vain un aboutissement au projet.

Or, dès le premier soir de la retraite, Mlle Vannini, plus anxieuse que jamais, lui demanda un entretien au confessionnal et raconta l'histoire douloureuse de sa vocation... Padre Tezza, attentif et compatissant, proposa divers Instituts ; mais comme rien ne semblait satisfaire la pénitente, il finit par lancer, mi-sérieux, mi-plaisant : « Mais enfin, voulez-vous donc être Fondatrice !... »

La jeune fille mortifiée resta muette... Fondatrice ! elle n'y avait certes jamais songé... Cependant un rayon d'En-Haut venait de frapper le confesseur : ne serait-ce pas la première pierre de l'œuvre, que Dieu lui envoyait ?[1]

Paisiblement, le Père exposa son projet. Giuditta l'écouta « sans objections comme sans enthousiasme », relate la chronique. Et quand il eut fini : « Laissez-moi réfléchir, mon Père, je vous donnerai une réponse définitive. » En fille prudente, elle désirait soumettre la chose à son Directeur Lazariste. Et ce n'est que lorsque « l'accord de St-Vincent avec St-Camille lui fut assuré » – le lendemain de la clôture – qu'elle déclara en peu de mots au Père Tezza se mettre totalement à sa disposition.

Ainsi donc, selon la remarque de Monsieur Mondini, soumission d'enfant, abandon parfait étaient le fruit des dures années d'épreuve...

Cinq ans plus tard, rappelant la rencontre providentielle, Mère Vannini confiera ce qui suit à un minuscule billet : « Le I7 décembre, j'eus la bonne fortune de connaitre le R.P. Tezza. Je lui exposai les sentiments de mon âme et lui, comme un Père, me conseilla, me consola et m'ouvrit la voie du Seigneur, dans laquelle maintenant je me trouve heureuse et contente (felice e contenta). C'est à lui, après Dieu, que je dois gratitude et affection filiale. »

Deux jeunes filles s'unirent bientôt à Mlle Vannini et le trio se mit en peine d'un logement pour commencer l'œuvre, sous la direction du Fondateur.

Le Cénacle où l'Esprit Saint s’était si bien manifesté resta quelque peu maison familiale ; nos Mères auraient même apporté leur concours à la première formation. Et quand il s'agit pour Giuditta – devenue Sœur Giuseppa – de revêtir les livrées du Seigneur, certains détails du costume religieux, voire la confection, leur revint. De plus notre maison fut désignée pour la cérémonie qui devait être strictement privée et secrète. Elle eut donc lieu dans la « cappelleta » des retraitantes, oratoire aux murs épais, à la lumière rare, sise au rez-de-chaussée du vieux palais, et débouchant, d'un côté sur la cour, de l'autre sur la célèbre « salita », montée large en spirale, qui tenait lieu d'escalier. Cette petite chapelle ressemblait assez à un Bethléem pour faire figure de berceau !... Une minuscule tribune, recélant un harmonium en proportion, s'ouvrait à la hauteur du premier étage de la montée. Il servit à la Mère Rey pour embellir la fête. Nous ignorons le programme des chants, mais les témoins se rappelaient que, sous les doigts d'une authentique artiste, le petit instrument contribua, avec les lumières et les fleurs, à faire de l'oratoire un vestibule du Paradis...

Mère Vannini était au Cénacle depuis la veille, plongée dans le recueillement. Cinq postulantes et quelques-unes des Nôtres assistèrent seules à la Messe, célébrée par le R.P. Tezza qui bénit d`abord et imposa le Saint Habit.

Selon l'usage, et comme le suggère un tableau, la Mère Isabelle de Montgrand, Supérieure, dut accompagner à l'autel l'heureuse Novice. C'était le samedi 19 mars 1892, trois mois par conséquent après la rencontre providentielle. Le Salut du Saint Sacrement termina la Fonction.

Prise d'habit de G. Vannini

Mère Isabelle de Montgrand (1852-1935) deux mois avant sa mort. Elle est Supérieure et Maîtresse des novices de la maison de Rome de 1881 à 1894.

Les Religieuses du Cénacle ne sont arrivées à Rome que depuis la fin de l'année 1879, mais leur oeuvre s'y est rapidement développée. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder une photographie de la communauté de l'époque :

Nous n'avons pas de photographie de la petite chapelle du rez-de-chaussée dans laquelle a eu lieu la prise d'habit de Giudittta Vannini. Elle se trouvait au fond du cloître, sur la gauche. En revanche, nous avons des photographies de la grande chapelle qui se trouvait au premier étage. C'est peut-être là que le Père Tezza a prêché.


Mère Giuseppina Vannini avec ses deux premières compagnes (1892)

Les Filles de St-Camille prirent ensuite leur essor, à la manière divine, c'est-à-dire au milieu de tribulations dont la vie des Fondateurs ne fut jamais sevrée... Mais qu'importe ! lorsqu'on est enfin sûr d'avoir trouvé la Volonté divine et de la suivre...

Quand Mère Vannini fut rappelée à Dieu le 25 février 1910, sa Congrégation s'étendait déjà au loin. Passant la frontière italienne, elle fleurit particulièrement en Argentine, où reposent, transférés de Lima, les restes mortels du vénéré P. Tezza, entourés des prières de la Communauté et du Noviciat. Le Procès informatif pour l’héroïcité des vertus de la Fondatrice s'est ouvert en Italie ; des grâces ont été obtenues. Les Filles de St-Camille font un grand bien dans les hôpitaux, près des malades, des pauvres, des enfants.

Une fraternelle affection les unit toujours au Cénacle.

 

Guyonne de LORGERIL, r.c.

 

 


[1] Détails donnés par une religieuse contemporaine, Me Maria Oddi.

 

Crédits illustrations : camilliani.org (Mère Vannini à la croix rouge). Carte de Rome, Vallardi, 1891 in romaierioggi.it (extrait modifié). Archives générales des Sœurs du Cénacle (photographies de la maison de la Stamperia, Mère de Montgrand). G. Grieco, L’amore dà la vita. Beata Giuseppina Vannini, ed. Velar, 1994 (@ Figlie di San Camillo) pour toutes les autres.

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