De Victoire à Mère Thérèse
Marie-Victoire Couderc naît le 1er février 1805 au Mas de Sablières, un petit hameau isolé de la basse Ardèche en France. Le paysage est grandiose et austère tout à la fois, avec le ciel bleu, la lumière du sud et une terre sèche et aride.
La famille est nombreuse et plutôt aisée. Marie-Victoire aide sa mère pour les travaux de la maison et s’occupe de ses frères et sœurs. Son père fait venir un instituteur pour donner une bonne formation humaine à ses enfants et aux enfants du village. Plus tard, elle ira en pension pour compléter son éducation.
La foi des parents est solide, enracinée dans cette époque postrévolutionnaire de renouveau et de restauration. Marie-Victoire est baptisée dès le lendemain de sa naissance. Enfant, elle accompagne souvent sa mère pour la messe quotidienne au village. Très tôt, elle pense à devenir religieuse. Elle s’en ouvre au père Terme, un prêtre diocésain qui évangélise les campagnes en prêchant des missions.
Elle a 20 ans quand elle arrive au noviciat des sœurs de Saint Régis, une petite congrégation fondée par le père Terme, vouée à l’enseignement et à la catéchèse des enfants. En 1826, elle prend l’habit religieux et devient sœur Thérèse. Et en 1827, le P. Terme l’appelle à Lalouvesc, avec 2 autres sœurs, pour prendre en charge une nouvelle fondation.
Avec le Père Terme, co-fondateurs
Lalouvesc, un village de la Haute-Ardèche : des hommes et des femmes viennent nombreux en pèlerinage sur le tombeau de Saint Régis, jésuite mort à Lalouvesc 2 siècles plus tôt. Le père Terme y fait construire une maison pour accueillir et prendre soin des pélerines. En 1828, il nomme Thérèse supérieure de cette nouvelle communauté : elle n’a que 23 ans, elle devient Mère Thérèse !
En dialogue avec le père Terme, Mère Thérèse décide de faire de cette maison d’accueil pour les femmes une maison de retraite spirituelle : on y vient pour être hébergé et nourri mais aussi pour prier, découvrir l’Evangile, se préparer à recevoir les sacrements. Le père Terme, ayant lui-même fait les Exercices de St Ignace, les fait faire aux sœurs et apporte ainsi la couleur ignacienne à cette nouvelle congrégation.
Début juin 1832, le père Terme consacre la Congrégation à Marie. 8 sœurs, dont Mère Thérèse, apposent leur signature sur cet acte de consécration.
À travers bien des difficultés
Le 12 décembre 1834, le père Terme meurt brusquement, il a 43 ans. Il laisse de grosses dettes et une construction inachevée. La petite communauté est confiée à l’évêque de Viviers et aux Jésuites, mais Mère Thérèse sait prendre elle-même, alors, les décisions qui s’imposent.
Des tensions vont grandissant. En 1836, les sœurs des écoles et les sœurs de la retraite se séparent. Fatiguée, Mère Thérèse part se reposer à Notre Dame d’Ay, un petit sanctuaire marial à quelques kilomètres de Lalouvesc : là, le 15 août 1837, elle se remet totalement entre les mains de la Vierge Marie et lui demande de lui obtenir « la grâce d’être toujours animée de l’Esprit de Jésus-Christ ».
Ses forces physiques la lâchent mais pas sa confiance en Dieu. À son retour à Lalouvesc, il lui est demandé de démissionner : elle est mise à l’écart et ne sera plus jamais supérieure. Elle encourage les autres sœurs à accueillir la nouvelle supérieure, nommée à sa place supérieure fondatrice. Cependant, elle sortira de son silence et sera appelée à intervenir à plusieurs reprises, pour aider la congrégation à avancer ou à gérer des situations délicates.
En 1842, à Lyon, en l’absence de la supérieure générale, elle signe l’acte d’achat d’un terrain sur lequel sera construite notre maison actuelle, acte capital pour l’extension de la congrégation.
En 1855, à Paris, elle rencontre et écoute les sœurs, discerne, choisit, tranche, et évite ainsi une scission dans la jeune congrégation.
En 1860, elle est accueillie avec grande joie à Montpellier. Elle catéchise de jeunes adultes, accompagne des retraitants et continue à assumer certains services matériels. Ses sœurs reconnaissent ses capacités, sa sagesse, son esprit de foi et de détachement, elle n’est plus à l’écart. Très présente à la vie de la communauté, elle est de plus en plus reconnue comme témoin du passé, la première religieuse du Cénacle, la fondatrice.
Des consolations spirituelles
Pourtant, les difficultés demeurent : les santés sont fragiles, les retraitantes peu nombreuses, les tâches matérielles lourdes, des maisons s’ouvrent mais d’autres se ferment. Dans ses lettres à ses supérieures, M. Thérèse nomme ses soucis, et ses joies, mais aussi, et surtout, cette conviction que « Dieu est le centre de notre cœur, Lui seul peut le remplir et le rendre heureux » (lettre du 7 août 1867).
Toute sa vie, elle a fait l’expérience de la joie et de la paix que Dieu donne « à l’âme qui le cherche sincèrement et qui a su se livrer ! » (26 juin 1864 – texte du « se livrer »).
Cette expérience de la bonté de Dieu accueillie et vécue élargit son regard et son cœur aux dimensions de l’univers : « bonté infinie, bonté incréée, source de toutes les bontés … que nous la rencontrions en tout et partout » (lettre du 10 août 1866).
Jusqu’au bout
En 1867, elle revient à Lyon où elle vit les 18 dernières années de sa vie. Sa santé décline, elle souffre beaucoup, elle goûte moins la présence de Dieu, elle la rayonne pourtant : « une grâce communicative venait d’elle » (souvenirs de Madame Rostaing).
Elle continue à prier longuement « que je vive d’amour ! que je meure d’amour ! » Elle meurt le 26 septembre 1885, elle a 80 ans. Son corps est ramené à Lalouvesc quelques jours après.
« Il me semble qu’il s’est tellement emparé de mon cœur qu’il me serait comme impossible d’aimer autre chose que Lui »
22 janv. 1863
Une sainte pour tous
Sainte Thérèse a connu ce qui fait le terreau de notre quotidien aujourd’hui : les différents âges de la vie, le bouleversement du monde et des sociétés, les joies et les rudesses de la vie relationnelle, l’épreuve de la maladie, la perte de confiance dans les grandes institutions. Elle a su traverser tout cela, jour après jour, en femme de foi, en femme libre, sûre de l’amour de Dieu pour elle et pour ce monde.
Sa fête
Sainte Thérèse Couderc a été béatifiée en 1951, puis canonisée en 1970.
L’Église la fête le 26 septembre.
Le pape Paul VI proclamant sainte Thérèse Couderc le 10 mai 1970.
Sainte Thérèse Couderc
Dont la vie toute entière fut
« livrée sans réserve
À la conduite de l’Esprit Saint »,
Obtenez-nous d’être éclairés de sa lumière
Et forts de sa force,
Afin que
Cherchant en tout le Christ-Jésus
Et voulant Le servir,
Nous puissions coopérer
Au salut du monde
Et à la gloire du Père.
Amen
Nihil obstat
Rome, 2 janv. 1970
Ses prières
Vous trouverez ici les prières que sainte Thérèse Couderc a composé ou qu’elle utilisait.
Cette prière a été donnée par sainte Thérèse Couderc à une Sœur en 1879. À cette Sœur qui la remerciait de l’avoir copiée pour elle, elle dit : « je ne l’ai pas copiée, je ne l’ai que dans mon cœur, je l’ai écrite pour vous, gardez-là ; moi je la dis tous les jours depuis bien longtemps ». La Sœur comprend que Mère Thérèse en est l’auteur.
Seigneur Jésus, je m’unis à votre sacrifice, perpétuel, incessant, universel. Je m’offre à vous pour tous les jours de ma vie et pour chaque instant du jour, selon votre très sainte et très adorable volonté.
Vous avez été la victime de mon salut, je veux être la victime de votre amour.
Agréez mon désir, acceptez mon offrande, exaucez ma prière : que je vive d’amour, que je meure d’amour et que le dernier soupir de mon cœur soit un acte du plus parfait amour.
Ainsi soit-il
Cette prière composée par sainte Thérèse Couderc circulait déjà dans sa communauté de Lyon avant sa mort.
À la Très Sainte Trinité
Puissance du Père, communiquez-vous à ma faiblesse et daignez la relever de sa profonde misère, afin qu’elle puisse faire des œuvres dignes d’être offertes à Votre Divine Majesté et de procurer sa gloire.
Sagesse du Fils, présidez à toutes mes pensées, paroles et actions, afin qu’elles soient toutes faites selon les règles de cette Sagesse Éternelle qui est Vous-même, ô mon Dieu.
Amour de l’Esprit-Saint, soyez le principe de toutes les opérations de mon âme afin qu’elles soient toutes conformes au bon plaisir divin. Amen
Ces invocations du Nom de Jésus sont issues d’une très ancienne litanie. Sainte Thérèse Couderc les avait écrites sur de petits morceaux de papier. Pendant son travail manuel, elle en tirait un comme sujet de méditation pour son oraison. Elle les aimait beaucoup.
Jésus aimable ayez pitié de nous.
Jésus soleil de justice ayez pitié de nous.
Jésus la joie des Anges ayez pitié de nous.
Jésus Maître des Apôtres ayez pitié de nous.
Jésus Fils du Dieu vivant ayez pitié de nous.
Jésus qui nous avez tant aimés ayez pitié de nous.
Jésus Dieu de Paix ayez pitié de nous.
Jésus Père des Pauvres ayez pitié de nous.
Jésus très patient ayez pitié de nous.
Jésus vraie lumière ayez pitié de nous.
Jésus bonté infinie ayez pitié de nous.
Jésus la pureté des Vierges ayez pitié de nous.
Jésus Bon Pasteur ayez pitié de nous.
Jésus docteur des Évangélistes ayez pitié de nous
Jésus la joie des Anges ayez pitié de nous.
Jésus trésor des fidèles ayez pitié de nous.
Jésus auteur de la vie ayez pitié de nous.
Jésus doux et humble de cœur ayez pitié de nous.
Jésus notre refuge ayez pitié de nous.
Jésus Sagesse éternelle ayez pitié de nous.
Jésus force des Martyrs ayez pitié de nous.
Jésus Père des pauvres ayez pitié de nous.
Jésus notre Amour ayez pitié de nous.
Jésus lumière des Confesseurs ayez pitié de nous.
Jésus la vie de nos âmes ayez pitié de nous.
Jésus admirable ayez pitié de nous.
Jésus notre Dieu ayez pitié de nous.
Jésus Dieu fort ayez pitié de nous.
Jésus très puissant ayez pitié de nous.
Jésus zélateur des âmes ayez pitié de nous.
La dévotion au Cœur de Jésus est très répandue du temps de sainte Thérèse Couderc. On ne connaît pas l’origine de ces invocations qui se trouvaient dans les affaires de sainte Thérèse Couderc.
Patience du Cœur de Jésus, Ne vous lassez pas de mon cœur.
Présence du Cœur de Jésus, Attachez mon cœur.
Providence du Cœur de Jésus, Veillez sur mon cœur.
Zèle du Cœur de Jésus, Dévorez mon cœur.
Équité du Cœur de Jésus, Réglez mon cœur.
Science du Cœur de Jésus, Enseignez mon cœur.
Charité du Cœur de Jésus, Répandez-vous dans mon cœur.
Lumière du Cœur de Jésus, Éclairez mon cœur.
Domaine du Cœur de Jésus, Assujettissez mon cœur.
Amour du Cœur de Jésus, Embrasez mon cœur.
Justice du Cœur de Jésus, N’abandonnez pas mon cœur.
Volonté du Cœur de Jésus, Disposez de mon cœur.
Miséricorde du Cœur de Jésus, Pardonnez à mon cœur.
Plaie du Cœur de Jésus, Guérissez mon cœur.
Libéralité du Cœur de Jésus, Enrichissez mon cœur.
Force du Cœur de Jésus, Soutenez mon cœur.
Beauté du Cœur de Jésus, Ravissez mon cœur.
Douceur du Cœur de Jésus, Pacifiez mon cœur.
Gloire du Cœur de Jésus, Occupez mon cœur.
Souffrances du Cœur de Jésus, Touchez mon cœur.
Immutabilité du Cœur de Jésus, Fixez mon cœur.
Pauvreté du Cœur de Jésus, Détachez mon cœur.
Sagesse du Cœur de Jésus, Conduisez mon cœur.
Sainteté du Cœur de Jésus, Sanctifiez mon cœur.
Sainte Thérèse Couderc priait pour son pays. En 1880, elle compose cette prière alors que le gouvernement français votait des lois anticléricales.
Mon Dieu, convertissez Votre peuple.
Mon Dieu, pardonnez à Votre peuple.
Mon Dieu, faites miséricorde à Votre peuple.
Mon Dieu, jetez un regard de compassion sur Votre peuple.
Mon Dieu, n’abandonnez pas Votre peuple.
Mon Dieu, soyez touché des maux de Votre peuple.
Mon Dieu, venez au secours de Votre peuple.
Mon Dieu, combattez pour Votre peuple.
Mon Dieu, faites éclater Votre puissance
et Votre bonté en faveur de Votre peuple,
Votre puissance en le secourant et Votre bonté en lui pardonnant.
Sainte Thérèse Couderc recommandait l’intercession des saints. Elle-même avait une particulière affection pour sa sainte patronne Thérèse d’Avila (1515-1582), réformatrice du Carmel. Elle avait écrit pour cette sainte une neuvaine dans le style de l’époque. Elle y reprend les grâces reçues par Thérèse d’Avila. Certaines d’entre elles, qui font référence à des expériences mystiques vécues par la sainte, peuvent nous surprendre ou nous paraître difficile à comprendre. Cependant, toutes les méditations que Thérèse Couderc invite à faire pendant la neuvaine, parlent de l’union très profonde de Thérèse d’Avila au Seigneur, domaine dans lequel chacun de nous est invité à grandir toujours davantage.
Prière à Ste Thérèse
C’est avec une confiance sans réserve, que je m’adresse à vous, généreuse amante de Jésus-Christ, pour vous exposer mes misères et pour vous prier d’en avoir pitié. Vous qui avez souhaité, avec tant d’ardeur, que Dieu fut connu et aimé, priez-le qu’Il se fasse connaître à moi et m’embrase de son divin amour. Vous qui aviez une charité si ardente pour les personnes qui voulaient se donner à Dieu, lisez dans mon âme le désir sincère que j’ai d’être tout à Lui, et faites qu’Il rende ce désir efficace ; qu’Il me donne un cœur tendre pour Lui, un cœur grand et généreux ; un cœur qui ne cherche que Lui et qui ne s’attache qu’à Lui. Ne permettez pas que j’ignore les voies dans lesquelles il faut que je marche, soyez avec moi dans les peines et tentations que je rencontrerai dans ces voies. Obtenez-moi la force pour résister, la Patience pour souffrir et la constance pour persévérer. Faites pour moi, dans le Ciel, ô grande sainte, ce que vous auriez fait sur la terre si j’avais eu le bonheur de vous y voir et de vous y consulter sur les besoins de mon âme, afin que changée par votre puissante intercession, je me joigne aux personnes que vous avez sanctifiées par vos conseils, pour bénir à jamais le Dieu qui vous a fait sainte et qui m’aura rendue meilleure par votre moyen. Ainsi soit-il.
Neuvaine à Ste Thérèse
Réciter 9 Pater, Ave et Gloria Patri, en l’honneur de ste Thérèse et pour remercier Dieu des neuf grâces spéciales que Notre-Seigneur lui accorda, et qui peuvent servir de sujet de Méditations pendant la semaine.
1ère grâce. Le désir ardent qu’elle eut toujours de mourir pour Jésus-Christ, désir qui lui fit chercher le martyre ; ainsi qu’on le voit dans sa vie.
2ème. Dieu lui fit connaître qu’elle faisait du progrès dans la divine charité et dans son amour pour les souffrances.
3ème. Elle eut le cœur percé par le ministère d’un séraphin.
4ème. Notre-Seigneur lui donne le clou de sa main droite, en signe de l’alliance qu’Il faisait avec elle, et la reçoit pour son Épouse.
5ème. Sainte Thérèse fut inspirée, et fit le vœu de faire toujours ce qu’elle croirait être le plus parfait.
6ème. Son grand courage à souffrir, pour Dieu, toute sorte de peines et de travaux.
7ème. Sa parfaite pureté de corps et d’âme.
8ème. La grâce que J.C. lui fit un jour après la Ste Communion où elle se trouva la bouche remplie de Son précieux sang.
9ème. Les grâces qu’elle reçut à sa mort.
1ère La vue de son divin Époux Jésus-Christ, accompagné d’une troupe d’Anges.
La seconde, qu’elle mourut plutôt par la véhémence de son amour que par la violence de la maladie.
Cette prière semble avoir été écrite par sainte Thérèse Couderc.
Invoquer Marie
Regard de Marie, tournez-vous vers moi.
Bouche de Marie, priez pour moi.
Mains de Marie, bénissez-moi.
Cœur de Marie, aimez Jésus pour moi.
Pieds de Marie, dirigez-moi.
Souffrances de Marie, intercédez pour moi.
Cette prière était dans un cahier, écrite de la main de sainte Thérèse Couderc mais on ne sait pas si elle l’a composée ou si elle l’a recopiée.
Loué soit Jésus-Christ, au Très Saint-Sacrement de l’autel, un million de fois, autant de millions de fois qu’il y a d’étoiles au firmament, de gouttes d’eau dans l’océan, de grains de sable sur la terre, de feuilles dans les forêts et d’atomes dans l’air.
Loué soit éternellement Jésus au Très Saint Sacrement.
Ainsi soit-il.
Où voir son corps ?
Sainte Thérèse Couderc est décédée dans notre maison de Lyon puis enterrée à La Louvesc, lieu de notre fondation. Depuis sa béatification en 1951, son corps reposait dans une châsse de verre où les pèlerins pouvaient la voir pour lui confier les intentions de leur cœur.
Le 22 septembre 2018, « notre » Mère Thérèse quittait la chapelle du Cénacle pour prendre place dans la basilique de Lalouvesc auprès de saint Jean-François Régis ! En sortant ainsi du Cénacle, de « chez nous », « notre » fondatrice a pris place dans une basilique ouverte au monde, dans un lieu plus universel ou elle reste « notre fondatrice » tout en étant désormais clairement, non pas seulement la nôtre, mais une « Sainte pour tous ».
Le corps de sainte Thérèse Couderc est resté incorrompu, n’ayant subi qu’un processus de momification. Son visage et ses mains sont recouverts de masques en cire.